Sans doute savez-vous si vous vous rangez plutôt dans la catégorie des petits ou gros dormeurs, si vous faites partie des couche-tard ou des lève-tôt. Peut-être avez-vous aussi remarqué que vous aviez tendance à faire preuve de davantage de productivité à une heure plutôt qu’à une autre ? Cela ne doit rien au hasard ! En réalité, votre horloge biologique a beau être calée sur le rythme circadien, commun à tous les individus, elle est secondée par des horloges plus petites disséminées dans votre organisme, imprimant un rythme qui vous est propre : votre chronotype. Et s’il est déterminant pour votre sommeil, il est tout aussi essentiel pour votre bien-être et votre productivité.
Rythme circadien et chronotype
L’horloge biologique (ou horloge interne) fonctionne sur le rythme circadien : l’alternance de l’état de veille pendant la journée et d’une période de sommeil pendant la nuit, sur un cycle d’environ 24 heures.
Le rythme circadien contrôle le sommeil, ainsi que de nombreux autres paramètres :
- La température corporelle ;
- Le comportement alimentaire ;
- La sécrétion de cortisol ;
- La sécrétion de mélatonine.
La mélatonine joue un rôle crucial dans le cycle du sommeil. Elle est sécrétée par la glande pinéale lorsqu’il fait nuit, avec un pic vers 3 heures du matin, puis sa production diminue jusqu’au matin. Son rôle est de donner des repères temporels au corps qui fonctionne au ralenti durant le sommeil : la température corporelle baisse, la pression sanguine diminue et les mouvements intestinaux s’interrompent.
Le matin, la production de cortisol augmente progressivement, ce qui permet l’activation de l’organisme. La pression sanguine et la température corporelle augmentent, et les mouvements intestinaux reprennent. La production de cortisol diminue ensuite tout au long de la journée : l’activité de l’organisme diminue peu à peu pour se préparer au sommeil.
Si l’on parle couramment de « l’horloge biologique », la réalité est plus complexe. L’horloge centrale, située dans l’hypothalamus antérieur, peut-être comparée à un « chef d’orchestre » qui imprime un rythme général. Mais de nombreuses autres petites horloges internes sont disséminées à travers tout l’organisme, dans des tissus, mais aussi dans des cellules. Elles sont contrôlées notamment par la protéine Clock, et les gènes du même nom.
Ainsi, le rythme circadien peut s’exprimer différemment d’une personne à l’autre en fonction de son chronotype.
On distingue plusieurs marqueurs biologiques qui varient en fonction du chronotype :
- La somnolence ;
- Les heures de coucher et de lever ;
- La mélatonine ;
- Le cortisol.
Votre chronotype exerce une influence sur vos nuits : c’est la raison pour laquelle le nombre d’heures de sommeil idéal varie d’une personne à l’autre. Il influe par ailleurs sur votre comportement alimentaire et sur votre niveau d’énergie tout au long de la journée. Le fait de connaître votre chronotype vous permet donc de mieux dormir, mais aussi d’organiser vos journées afin de les rendre plus agréables et plus productives.
Les différents chronotypes
On distingue principalement deux grands types de chronotypes :
- Le type matinal – correspondant aux personnes qui sont « du matin » ;
- Le type vespéral – correspondant aux personnes qui sont « du soir ».
Les travaux de Lack, Bailey, Lovato et Wright publiés en 2009 permettent d’établir un comparatif entre un chronotype matinal et un chronotype vespéral en fonction des différents marqueurs biologiques étudiés :
Marqueurs biologiques | Somnolence minimale | Somnolence maximale | Lever | Coucher | Température corporelle minimale | Taux maximal de mélatonine |
---|---|---|---|---|---|---|
Type matinal | 13h18 | 03h52 | 07h48 | 23h24 | 05h13 | 04h20 |
Type vespéral | 22h29 | 09h22 | 10h20 | 01h59 | 07h28 | 06h20 |
Toutefois, il existe plusieurs profils intermédiaires ainsi que des sous-types, et le chronotype n’est pas figé : il peut évoluer tout au long de la vie.
Dans son étude publiée en 2020, le physiologiste Dmitry S. Sveshnikov établit ainsi 6 chronotypes distincts, estimant par ailleurs que les études récentes suggèrent que cette classification devrait être revue et étendue.
En effet, le chronotype peut varier suivant plusieurs éléments, principalement :
- L’origine ethnique ;
- L’âge ;
- Le sexe.
Quoique les pistes nécessitent encore d’être explorées, de récentes études laissent entrevoir une corrélation entre descendance et chronotype. Il semble par ailleurs que certains gènes soient liés au chronotype, notamment les gènes Clock et Bmal, deux des composantes de l’horloge circadienne, mais cette piste demeure à explorer.
L’âge constitue un critère important, puisque le chronotype d’une personne évolue fréquemment au cours de sa vie. Ainsi, les enfants matinaux peuvent évoluer vers un chronotype vespéral à l’adolescence. Cette tendance s’inverse à partir de 50 ans, âge auquel on note une augmentation du chronotype matinal. Statistiquement, à âge égal, les femmes semblent être plus matinales que les hommes. Cependant, la corrélation entre sexe et chronotype est actuellement remise en question.
Chronotype : le test
Nul besoin d’une polysomnographie ou de tout autre examen pour déterminer le chronotype d’une personne ! On utilise généralement un questionnaire visant à cerner les habitudes de sommeil et les horaires les mieux adaptés à différents types d’activités tout au long de la journée.
Le questionnaire le plus fréquemment utilisé est le MEQ (Morningness-Eveningness Questionnaire) mis au point en 1976 par Horne et Östberg. Ce test de chronotype du sommeil est disponible en ligne et il demeure une référence.
Psychologue clinicien, le docteur Michael Breus compte parmi les spécialistes mondiaux des troubles du sommeil. Dans son ouvrage « The Power of When » (« Quand ? »/2016), il propose 4 profils :
- Le dauphin, correspondant à 10% de la population : ayant un sommeil léger et tendance à ruminer, il se réveille facilement, et il est souvent fatigué dès le lever. Introverti et intelligent, il se montre aussi anxieux et perfectionniste ;
- L’ours, correspondant à 50% de la population : ce bon vivant sociable et extraverti a tendance aime dormir. Capable de s’adapter facilement à son environnement, il a tendance à avoir quelques kilos en trop ;
- Le lion, correspondant à 10 à 15% de la population : matinal en toutes circonstances (même en vacances !), il est proactif, optimiste et consciencieux, et la prise de décision est l’un de ses points forts. Ce couche-tôt est plus actif et plus concentré en début de journée, son énergie commençant à diminuer en début d’après-midi ;
- Le loup, correspondant à 15 à 20 % de la population : couche-tard et lève-tard, il a un mode de vie décalé, car c’est en fin de journée qu’il est en forme et sociable. Créatif, il a tendance à être émotif et pessimiste.
Chacun de ces profils correspond à un biorythme spécifique, suivant lequel il est proposé de réorganiser vos journées afin d’en tirer le meilleur parti et de bénéficier d’une meilleure qualité de vie, ainsi que d’une meilleure santé.
Chronotype, santé et bien-être
Ces dernières années, la médecine tend à s’intéresser davantage aux manifestations du rythme circadien, car elles influencent les comportements et peuvent, à terme, avoir un impact sur la santé.
Les individus de type vespéral ont statistiquement davantage de problèmes psychiatriques et psychologiques que les personnes du matin. Ils sont davantage exposés à l’anxiété, ainsi qu’aux troubles du sommeil qui y sont liés, qu’il s’agisse d’insomnie ou de parasomnie.
Globalement, les personnes ayant un chronotype matinal mangent plus tôt et ont une tendance naturelle à faire des choix alimentaires plus sains. Les couche-tard, en revanche, tendent à avoir un régime alimentaire moins équilibré, consommant davantage de sucre le matin, moins de protéines et plus de gras et de sucre en soirée. En outre, elles sont aussi généralement moins actives, ce qui augmente les risques de diabète, d’obésité et de troubles cardio-vasculaires.
Le fait d’être « du soir » est difficilement compatible avec les impératifs quotidiens – notamment le fait de devoir se lever tôt pour aller travailler. Le recours au café et autres boissons énergisantes en grande quantité est donc courant. En revanche, ils tendent à consommer davantage d’alcool en soirée, afin de se relaxer. Chez les « lève-tôt », c’est la consommation de thé qui est fréquente dans l’après-midi, période à laquelle le niveau d’énergie commence à diminuer.
Il est à noter que l’abus de substances excitantes comme la consommation d’alcool est déconseillé, puisque cela nuit considérablement à la qualité du sommeil. En outre, cela augmente les risques de sursaut pendant son sommeil, mais aussi de troubles du sommeil, pouvant aller du simple fait de parler dans son sommeil aux insomnies.
Une étude menée à l’Université de Varsovie en 2012 tend à démontrer que le chronotype influe aussi sur la perspective temporelle. Le type vespéral privilégie l’instant présent, avec une tendance à considérer que « demain est un autre jour ». Le chronotype matinal s’accompagne d’une orientation vers le futur, ce qui se traduit par un niveau d’ambition plus élevé.
Sources :